Venezuela: Maduro profite du boycott de l'opposition pour s'offrir une majorité écrasante au Parlement et dans les régions
Vingt-trois Etats sur 24, 89% des sièges au Parlement: le président Nicolas Maduro, la carte du Venezuela lors des élections législatives et régionales de dimanche, consolidant son pouvoir alors que l'opposition se félicite de son boycott sans toutefois définir une stratégie claire.

Le parti du président a conquis 23 des 24 gouvernorats et, selon une annonce non officielle mais issue d'un des hommes les plus puissants du pays, Jorge Rodriguez, sa coalition a remporté 256 des 285 sièges à l'Assemblée.
Président de l'actuelle Assemblée, chef de campagne du pouvoir pour le scrutin, chef négociateur du Venezuela avec Washington, Jorge Rodriguez a souligné en soirée que "les oppositions" ont gagné les 29 sièges restants, sans donner le détail.
M. Rodriguez faisait référence à la fois à l'opposition considérée comme étant aux ordres du pouvoir, couramment surnommée les "Scorpions", et à la faction menée par l'ancien chef de l'opposition Henrique Capriles pour qui la politique de la chaise vide ne porte pas de fruits.
La cheffe de l'opposition Maria Corina Machado et Edmundo Gonzalez, son candidat à la présidentielle de l'an dernier, avaient appelé au boycott du scrutin, estimant les règles du jeu faussées.
Avec cette victoire écrasante, M. Maduro renforce sa mainmise sur les institutions du pays, dix mois après sa réélection contestée, marquée par des troubles et des arrestations massives.
Le rendez-vous de dimanche a d'ailleurs été marqué par l'arrestation en amont de quelque 70 personnes, dont Juan Pablo Guanipa, une figure de l'opposition, accusées de vouloir déstabiliser les élections. Plus de 400.000 membres des forces de l'ordre ont été déployés le jour du scrutin, avec des patrouilles de policiers encagoulés et armés.
M. Maduro peut avancer tranquillement vers sa réforme de la Constitution sur laquelle il y a peu d'informations, mais qu'il évoque fréquemment depuis des mois.
"Aujourd'hui, nous avons démontré le pouvoir du chavisme ! Cette victoire est la victoire de la paix et de la stabilité", a exulté M. Maduro après l'annonce des résultats dimanche.
Le président fête une victoire, mais l'opposition y voit une défaite. Mme Machado avait appelé à ne pas participer à la "farce", assure que la faible affluence dans les bureaux de vote est une protestation silencieuse contre la réélection de M. Maduro en juillet.
Le gros de l'opposition, qui revendique la victoire à la présidentielle de 2024 et crie à la fraude, estimait qu'il n'était pas possible de participer à un nouveau scrutin organisé par le pouvoir.
Pour le groupe opposant rebelle qui a participé au scrutin, le résultat est maigre. Le pouvoir ne lui a laissé que des miettes: une poignée de députés et la gouvernance de l'État de Cojedes (centre-ouest).
"Pas insignifiant"
"Bien que prévisible, le résultat n'en a pas moins des implications importantes: un chavisme renforcé dans le contrôle institutionnel, une opposition divisée à la représentation limitée, et une majorité sociale (de la population) démobilisée", estime l'analyste politique Luis Vicente Leon.
Mme Machado, qui vit dans la clandestinité, a une nouvelle fois lundi appelé l'armée à "agir" contre un gouvernement jugé illégitime. Mais les forces armées, clef de voûte du pouvoir qui sait les choyer, ont juré loyauté à maintes reprises au président Maduro.
Pour ce qui est de l'opposition, "l'abstention (...) ne fait qu'aggraver sa situation", estime le politologue Pablo Quintero. "Elle génère un processus de désaffection politique, de désillusion, de résignation de la part des gens".
Henrique Capriles a été élu député et dirigera un groupe d'une quinzaine d'élus à l'Assemblée, selon les estimations de M. Leon. Peu mais "pas insignifiant", selon l'analyste.
"Ils ont partiellement atteint leur objectif de préserver une présence institutionnelle et d'éviter la disparition totale", relève-t-il.
Staline Gonzalez, l'un des opposants élu député, défend la participation et critique la position de Mme Machado: "Cette théorie de donner de l'espace au gouvernement, au +madurisme+, et de croire qu'il suffit de délégitimer le processus en n'y participant pas pour qu'il (Maduro) s'en aille... Qu'avec ça nous allons ramener la démocratie. Nous ne sommes pas convaincus par ce chemin".
M. Quintero estime toutefois que le coût est élevé et croit que "l'opposition a besoin de sang neuf".